jeudi 19 juin 2008

Pour qui cuisine-t-on?

La cuisine est à la mode. Il faudrait habiter sur une autre planète pour ne pas s'en rendre compte aujourd'hui. Tout le monde s'y met et ce sont même les plus jeunes d'entre nous qui, à peine installés loin de papa et maman, s'adonnent au plaisir du mijotage, de la marinade et du pâte-à-tartage.


Mais le terme de « mode » est-il adapté ? Ne s'agit-il pas plutôt d'un phénomène significatif d'une tendance sociétale profonde ?

On aurait pu croire que les années quatre vingt, bercées de matérialisme et d'individualisme, auraient favorisé une tendance épicurienne, basée sur le plaisir des sens. Mais la cuisine est bien plus complexe que cela, bien trop riche pour être ramenée à une simple expérience physique.

Mais alors, si on ne cuisine pas pour soi, pour qui cuisine-t-on ?


Demandez autour de vous. Demandez-vous à vous-même, pour commencer. Pour qui cuisinez-vous ?


On cuisine pour ses proches, bien sûr. Son conjoint, ses enfants, ses parents, ses cousins, ses collègues, ses voisins... Parce que lorsqu'on partage une tranche de vie, grande ou petite, il est dommage de faire comme si on ne partageait rien en restant chacun dans son coin.

On cuisine pour ses amis, ses copains, ses connaissances, les amis des amis de ses amis, qui ont eu la bonne idée de téléphoner juste avant le dîner... Pour les enfants de ses amis, les amis de ses enfants, s'ils sont toujours là à l'heure du dîner.

Quand on cuisine seul, on cuisine souvent pour les autres. Quel plaisir de faire mijoter un bon petit plat dès le matin en prévision du déjeuner, en gardant pour soi le secret de la lenteur, qui fait venir la saveur lentement, alors que l'heure du déjeuner venue, chacun s'émerveille des effluves merveilleuses qui s'échappent de la marmite dès lors qu'on en retire le couvercle, comme s'il s'agissait de pure magie...

Mais quand on cuisine seul, on cuisine aussi pour s'améliorer, pour tester de nouvelles idées, pour élaborer de nouveaux plats, pour les fignoler afin d'en faire profiter les autres lors d'un prochain repas... Tel le chercheur qui manie l'éprouvette à la recherche de nouveaux médicaments, le cuisinier manie la casserole à la recherche de nouveaux remèdes contre la monotonie et le vague à l'âme.

Et même quand on cuisine pour soi un plat que l'on connaît par cœur, dans le seul but de se faire vraiment, vraiment plaisir, la bonne humeur qu'on en retire est de toute façon un bienfait pour l'humanité.

Alors surtout, continuez à cuisiner ! C'est pour le bien de tous.

Edito de Marmiton.org (novembre 2006)

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